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Y A T’IL UNE UTILITE A PHILOSOPHER?
Café-philo, vendredi 10 novembre de 18h00 à 20h00
Y A T’IL UNE UTILITE A PHILOSOPHER?
Question de l’utilité ou inutilité qui agite la philosophie depuis ses débuts notamment avec les polémiques entre les sophistes et les philosophes. Il faut rappeler que les sophistes particulièrement avec Protagoras affirment que la philosophie n’est pas si utile qu’elle le prétend. Ils vont même jusqu’à dire qu’elle est inutile passé un certain âge car d’autres occupations sont bien plus importantes, notamment les affaires politiques qui concernent la gestion de la Cité.
la suite vendredi!!
caf’litt’ juin
animé par Anne Guite BEAU-CASTAGNACLe Caflit’ -Café littéraire du Kairn- fête prochainement son 5 ème rendez-vous ! … Une douzaine de participantes régulières. Sympathique moment de partage des émotions nées de nos lectures, temps collectif studieux autour des notes de lecture des unes et des autres, initiation au monde des livres, des auteurs, des éditeurs. Discussion spontanée ou organisée à propos des prix Nobel pour l’œuvre d’Annie Ernaux, il fallait s’interroger sur la violence médiatique en écho, et Goncourt où notre avis n’aura pas trop longtemps balancé entre Vivre vite de Brigitte Giraud et Le Mage du Kremlin de Guliano Da Empoli.
Installées concrètement en décembre dernier dans ce rendez-vous collectif, nos lectures au choix de chacune ont été nourries, nombreuses, à notre initiative ou sur proposition de notre libraire Karine à partir des Services de presse des éditeurs. Plus d’une trentaine d’ouvrages déjà. Et beaucoup de notes de lecture prochainement accessibles sur le site internet du Kairn. Une liste impressionnante ? (Voir ci-dessous). Nos lectures sont
foisonnantes car très diverses et certaines d’entre nous sont des affamées de lecture. Donc au Caflit’, d’un rendez-vous à l’autre, on part avec une pile de livres et nous lisons beaucoup. Nos P.AL (piles à lire) et P.A.R.L (piles à relire) ne diminuent guère. Alors soit on a aimé un peu, beaucoup, passionnément et parfois pas vraiment et même pas du tout ! On raconte, on discute, on confronte, on analyse, on mentionne d’autres textes en écho, on évoque…
Mais qu’on se rassure, le Caflit’ a comme prétention essentielle d’être d’abord un joyeux moment de retrouvailles livresques autour de la librairie du Kairn. Et comme prétention annexe de lire, lire encore, lire toujours, lire des livres, et si l’envie nous prend, d’attraper un papier et un crayon et écrire quelques lignes pour poser notre émotion de lectrice et peut- être la confier à la lecture d’autres.
En ce mois de mai et pour l’été à venir, le Caflit’ vous recommande :
M. Dugain, Paysages trompeurs, 2022-Ed° Gallimard ;
E. Orsenna, La terre a soif, 2022-Ed° Fayard ;
A. Catherine, Début de siècles, 2022-Ed° Verticales ;
T. Vieil, La fille qu’on appelle, 2021-Ed° Minuit ;
E. Bayamack-Tam, La treizième heure, 2022-Ed°P.O.L. ;
D. Fo, François le saint jongleur, 2012-Ed° La Fontaine ;
S. Jollien Fardel, Sa préférée, 2022-Ed° Sabine Wespieser ;
C. Bobin, Pierre, 2019-Ed° Gallimard ;
P. Boucheron, Quand l’histoire fait date, 2022-Ed° Seuil ;
V. Grossman, Vie et destin, 2005- Ed° Le Livre de Poche ;
PB. Preciado, Dysphoria mundi, 2022-Ed° Grasset ;
C. Morel Darleux, Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, 2021-Ed° Libertaria ;
M. Graciano, Shamane, 2023-Ed° Le Tripode ;
D. Loup, Boris 1985, 2023-Ed° Zoé ;
P. Alauzet, Dans les murmures de la forêt ravie, 2023-Ed° Rouergue Noir ;
N. Martin, A l’est des rêves, réponses EVEN aux crises systémiques, 2023-Ed° La
Découverte ;
JL. Letourneau, le territoire sauvage de l’âme, 2023-Ed° L’Aube ;
I. Amonon, L’enfant rivière, 2003-Ed° Dalva ;
P. Tseden, J’ai écrasé un mouton, 2022-Ed° Piquier ;
F. Aubenas, Ici et ailleurs, 2023-Ed° de l’Olivier ;
B. Courut, Zizi cabane, 2022-Ed° Le Tripode ;
C. Debré, Offenses, 2023-Ed° Flammarion ;
P. Claudel, Crépuscules, 2023-Ed° Stock ;
R. Romero, Je suis l’hiver, 2019-Ed° Asphalte poche ;
E. De Luca, Grandeur nature, 2023-Ed° Gallimard ;
E. Morin, De guerre en guerre, 2023-Ed° de l’Aube ;
B. Pellegrino, Tortues, 2023-Ed° Zoé ;
G. Nygardshang, Chimera, 2023-Ed° Actes Sud ;
M. Prazan, Varlam, 2023-Ed° Payot ;
O. Tokarczuk, Maison de jour, maison de nuit, 2021 & Jeux sur tambours et tambourins, 2023- Ed° Noir sur Blanc.Anne-Guite Beau Castagnac
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mobilisation pour la culture 20-21 mars
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14eme AGORA… Quelles avancées en quatre mois!
Vous allez trouver ci-dessous le compte-rendu de la 14ème Agora …des Gaves et vous y trouverez le plaisir de la lecture
mais aussi des informations comme s’il en pleuvait…
… et justement Dimanche avec Claire nous avons pris le parti d’annuler la 15ème à cause d’un temps pourri et froid annoncé
ce qui rendrait nos échanges clairsemés et congelés.
En tout cas c’est bien à cause du temps que cette décision est prise et non à cause d’une visite de gendarmes bien peu amènes
et même on peut dire menaçants dimanche dernier. Nous ne nous laisserons pas intimidée par ce genre d’intervention, nous
respecterons les consignes (quoique nous en pensons et « quoiqu’il nous en coûte »! ) pour faire respecter le droit de manifester,
de nous rassembler.
en tout cas nous ne cèderons pas à la tentative de nous amener à nous auto-censurer !
Nous vous donnons rendez-vous DIMANCHE 21 MARS à 11h avec l’enthousisame et la liberté plein les poches!
COMPTE RENDU 14è AGORA
Bonjour à vous toutes/tous !
Voici le compte-rendu de notre dernière Agora, en quelques points :
Présentation de la toute nouvelle association « la Mine des gaves », créée pour présenter un projet de recyclerie, laquelle pourrait voir le jour, nous l’espérons, au coeur de la vallée des gaves.
A ce propos, nous recherchons un local, autour d’Argelès si possible, en attendant de soumettre notre projet écrit à différentes mairies…Nous vous tiendrons au courant de la suite des évènements.
De nombreux adhérents se sont joints à l’association pour un soutien financier et/ou de TEMPS consacrés à la bonne marche du projet. Merci à nous tous !
Jean-Michel nous a donné des nouvelles de quatre évènements ARTistiques, prévus en juillet et août dans le cadre de » Plein air culturel » à ST Savin »…. Il y aura : chants lyriques avec le choeur de femmes « SPLENDIA », du théâtre avec « Le diner de cons », une conférence théâtrale sur le vin « De la grappe au gosier » et un concert autour de l’oeuvre de Georges Brassens « Celui qui a mal tourné… ». Un appel aux bénévoles a été lancé …. A suivre de TRES TRES PRES !
Stéphanie « SE COURBE » en POèME sur un pied HAUT et FORT.
Manifestation Nationale, samedi 13 mars, LA MARCHE DES ENFANTS, « LAISSEZ NOS ENFANTS RESPIRER », à TARBES, il devrait y avoir un rassemblement également. MOBILISATION NATIONALE.
J’ai sûrement oublié pleins de choses mais pas vous, vivement la prochaine rencontre.
En attendant, rigolez bien !
PS : Landry, ARTiste-GRAVEur cherche logement et/ou local autour d’Argelès. Voici son mail : didyland@gmail.com.
Et puis, un grand merci à ce gentil petit chien dont je n’ai pas pu poster la photo…Caresses à toi jolie tête de mort (il comprendra ce mot d’amour).
SALUT ET BISES.
Claire M(aime)
SAINT EXUPERY
lettre de St Exupéry lue par un jeune de 16 ans lors d’un rassemblement public le 29 novembre
Le 31 juillet 1944 alors qu’il effectuait un vol de reconnaissance dans le sud de la France, peu avant le débarquement des Alliés en Provence, l’avion de l’auteur bien célèbre du Petit Prince était abattu par un aviateur allemand.
Ce jour là disparaissait en mer un être humain qui posait sur notre monde contemporain une analyse bien pertinente.
Je vous invite à lire son dernier texte, écrit la veille de sa mort :
La lettre au général X, d’Antoine de Saint-Exupéry.
« Je viens de faire quelques vols sur P. 38. C’est une belle machine. J’aurais été heureux de disposer de ce cadeau-là pour mes vingt ans. Je constate avec mélancolie qu’aujourd’hui, à quarante trois ans, après quelques six mille cinq cents heures de vol sous tous les ciels du monde, je ne puis plus trouver grand plaisir à ce jeu-là. Ce n’est plus qu’un instrument de déplacement – ici de guerre. Si je me soumets à la vitesse et à l’altitude à mon âge patriarcal pour ce métier, c’est bien plus pour ne rien refuser des emmerdements de ma génération que dans l’espoir de retrouver les satisfactions d’autrefois.
Ceci est peut-être mélancolique, mais peut-être bien ne l’est-ce pas. C’est sans doute quand j’avais vingt ans que je me trompais. En Octobre 1940, de retour d’Afrique du Nord où le groupe 2 – 33 avait émigré, ma voiture étant remisée exsangue dans quelque garage poussiéreux, j’ai découvert la carriole et le cheval. Par elle l’herbe des chemins. Les moutons et les oliviers. Ces oliviers avaient un autre rôle que celui de battre la mesure derrière les vitres à 130 kms à l’heure. Ils se montraient dans leur rythme vrai qui est de lentement fabriquer des olives. Les moutons n’avaient pas pour fin exclusive de faire tomber la moyenne. Ils redevenaient vivants. Ils faisaient de vraies crottes et fabriquaient de la vraie laine. Et l’herbe aussi avait un sens puisqu’ils la broutaient.
Et je me suis senti revivre dans ce seul coin du monde où la poussière soit parfumée (je suis injuste, elle l’est en Grèce aussi comme en Provence). Et il m’a semblé que, toute ma vie, j’avais été un imbécile…
Tout cela pour vous expliquer que cette existence grégaire au cœur d’une base américaine, ces repas expédiés debout en dix minutes, ce va-et-vient entre les monoplaces de 2600 chevaux dans une bâtisse abstraite où nous sommes entassés à trois par chambre, ce terrible désert humain, en un mot, n’a rien qui me caresse le cœur. Ça aussi, comme les missions sans profit ou espoir de retour de Juin 1940, c’est une maladie à passer. Je suis « malade » pour un temps inconnu. Mais je ne me reconnais pas le droit de ne pas subir cette maladie. Voilà tout. Aujourd’hui, je suis profondément triste. Je suis triste pour ma génération qui est vide de toute substance humaine. Qui n’ayant connu que les bars, les mathématiques et les Bugatti comme forme de vie spirituelle, se trouve aujourd’hui plongé dans une action strictement grégaire qui n’a plus aucune couleur.
On ne sait pas le remarquer. Prenez le phénomène militaire d’il y a cent ans. Considérez combien il intégrait d’efforts pour qu’il fut répondu à la vie spirituelle, poétique ou simplement humaine de l’homme. Aujourd’hui nous sommes plus desséchés que des briques, nous sourions de ces niaiseries. Les costumes, les drapeaux, les chants, la musique, les victoires (il n’est pas de victoire aujourd’hui, il n’est que des phénomènes de digestion lente ou rapide) tout lyrisme sonne ridicule et les hommes refusent d’être réveillés à une vie spirituelle quelconque. Ils font honnêtement une sorte de travail à la chaîne. Comme dit la jeunesse américaine, « nous acceptons honnêtement ce job ingrat » et la propagande, dans le monde entier, se bat les flancs avec désespoir.
De la tragédie grecque, l’humanité, dans sa décadence, est tombée jusqu’au théâtre de Mr Louis Verneuil (on ne peut guère aller plus loin). Siècle de publicité, du système Bedeau, des régimes totalitaires et des armées sans clairons ni drapeaux, ni messes pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif.
Ah ! Général, il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles, faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. On ne peut vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Rien qu’à entendre un chant villageois du 15ème siècle, on mesure la pente descendue. Il ne reste rien que la voix du robot de la propagande (pardonnez-moi). Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots.
Tous les craquements des trente dernières années n’ont que deux sources : les impasses du système économique du XIXème siècle et le désespoir spirituel. Pourquoi Mermoz a-t-il suivi son grand dadais de colonel sinon par soif ? Pourquoi la Russie ? Pourquoi l’Espagne ? Les hommes ont fait l’essai des valeurs cartésiennes : hors des sciences de la nature, cela ne leur a guère réussi. Il n’y a qu’un problème, un seul : redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme. Ça déborde le problème de la vie religieuse qui n’en est qu’une forme (bien que peut-être la vie de l’esprit conduise à l’autre nécessairement). Et la vie de l’esprit commence là où un être est conçu au-dessus des matériaux qui le composent. L’amour de la maison – cet amour inconnaissable aux États-Unis – est déjà de la vie de l’esprit.
Et la fête villageoise, et le culte des morts (je cite cela car il s’est tué depuis mon arrivée ici deux ou trois parachutistes, mais on les a escamotés : ils avaient fini de servir) . Cela c’est de l’époque, non de l’Amérique : l’homme n’a plus de sens.
Il faut absolument parler aux hommes.
A quoi servira de gagner la guerre si nous en avons pour cent ans de crise d’épilepsie révolutionnaire ? Quand la question allemande sera enfin réglée tous les problèmes véritables commenceront à se poser. Il est peu probable que la spéculation sur les stocks américains suffise au sortir de cette guerre à distraire, comme en 1919, l’humanité de ses soucis véritables. Faute d’un courant spirituel fort, il poussera, comme champignons, trente-six sectes qui se diviseront les unes les autres. Le marxisme lui-même, trop vieilli, se décomposera en une multitude de néo-marxismes contradictoires. On l’a bien observé en Espagne. A moins qu’un César français ne nous installe dans un camp de concentration pour l’éternité.
Ah ! quel étrange soir, ce soir, quel étrange climat. Je vois de ma chambre s’allumer les fenêtres de ces bâtisses sans visages. J’entends les postes de radio divers débiter leur musique de mirliton à ces foules désœuvrées venues d’au-delà des mers et qui ne connaissent même pas la nostalgie.
On peut confondre cette acceptation résignée avec l’esprit de sacrifice ou la grandeur morale. Ce serait là une belle erreur. Les liens d’amour qui nouent l’homme d’aujourd’hui aux êtres comme aux choses sont si peu tendus, si peu denses, que l’homme ne sent plus l’absence comme autrefois. C’est le mot terrible de cette histoire juive : « tu vas donc là-bas ? Comme tu seras loin » – Loin d’où ? Le « où » qu’ils ont quitté n’était plus guère qu’un vaste faisceau d’habitudes.
Dans cette époque de divorce, on divorce avec la même facilité d’avec les choses. Les frigidaires sont interchangeables. Et la maison aussi si elle n’est qu’un assemblage. Et la femme. Et la religion. Et le parti. On ne peut même pas être infidèle : à quoi serait-on infidèle ? Loin d’où et infidèle à quoi ? Désert de l’homme.
Qu’ils sont donc sages et paisibles ces hommes en groupe. Moi je songe aux marins bretons d’autrefois, qui débarquaient, lâchés sur une ville, à ces nœuds complexes d’appétits violents et de nostalgie intolérable qu’ont toujours constitués les mâles un peu trop sévèrement parqués. Il fallait toujours, pour les tenir, des gendarmes forts ou des principes forts ou des fois fortes. Mais aucun de ceux-là ne manquerait de respect à une gardeuse d’oies. L’homme d’aujourd’hui on le fait tenir tranquille, selon le milieu, avec la belote ou le bridge. Nous sommes étonnamment bien châtrés.
Ainsi sommes-nous enfin libres. On nous a coupé les bras et les jambes, puis on nous a laissé libres de marcher. Mais je hais cette époque où l’homme devient, sous un totalitarisme universel, bétail doux, poli et tranquille. On nous fait prendre ça pour un progrès moral ! Ce que je hais dans le marxisme, c’est le totalitarisme à quoi il conduit. L’homme y est défini comme producteur et consommateur, le problème essentiel étant celui de la distribution. Ce que je hais dans le nazisme, c’est le totalitarisme à quoi il prétend par son essence même. On fait défiler les ouvriers de la Ruhr devant un Van Gogh, un Cézanne et un chromo. Ils votent naturellement pour le chromo. Voilà la vérité du peuple ! On boucle solidement dans un camp de concentration les candidats Cézanne, les candidats Van Gogh, tous les grands non-conformistes, et l’on alimente en chromos un bétail soumis. Mais où vont les États-Unis et où allons-nous, nous aussi, à cette époque de fonctionnariat universel ? L’homme robot, l’homme termite, l’homme oscillant du travail à la chaîne système Bedeau à la belote. L’homme châtré de tout son pouvoir créateur, et qui ne sait même plus, du fond de son village, créer une danse ni une chanson. L’homme que l’on alimente en culture de confection, en culture standard comme on alimente les bœufs en foin.
C’est cela l’homme d’aujourd’hui.
Et moi je pense que, il n’y a pas trois cents ans, on pouvait écrire La Princesse de Clèves ou s’enfermer dans un couvent pour la vie à cause d’un amour perdu, tant était brûlant l’amour. Aujourd’hui bien sûr les gens se suicident, mais la souffrance de ceux-là est de l’ordre d’une rage de dents intolérable. Ce n’a point à faire avec l’amour.
Certes, il est une première étape. Je ne puis supporter l’idée de verser des générations d’enfants français dans le ventre du moloch allemand. La substance même est menacée, mais, quand elle sera sauvée, alors se posera le problème fondamental qui est celui de notre temps. Qui est celui du sens de l’homme et auquel il n’est point proposé de réponse, et j’ai l’impression de marcher vers les temps les plus noirs du monde.
Ça m’est égal d’être tué en guerre. De ce que j’ai aimé, que restera-t-il ? Autant que les êtres, je parle des coutumes, des intonations irremplaçables, d’une certaine lumière spirituelle. Du déjeuner dans la ferme provençale sous les oliviers, mais aussi de Haendel. Les choses. je m’en fous, qui subsisteront. Ce qui vaut, c’est certain arrangement des choses. La civilisation est un bien invisible puisqu’elle porte non sur les choses, mais sur les invisibles liens qui les nouent l’une à l’autre, ainsi et non autrement. Nous aurons de parfaits instruments de musique, distribués en grande série, mais où sera le musicien ? Si je suis tué en guerre, je m’en moque bien. Ou si je subis une crise de rage de ces sortes de torpilles volantes qui n’ont plus rien à voir avec le vol et font du pilote parmi ses boutons et ses cadrans une sorte de chef comptable (le vol aussi c’est un certain ordre de liens).
Mais si je rentre vivant de ce « job nécessaire et ingrat », il ne se posera pour moi qu’un problème : que peut-on, que faut-il dire aux hommes ?
Antoine de Saint Exupéry le 30 juillet 1944
Tract Gallimard Grand Format d’Alice KAPLAN
BEAUTES ARTISTIQUES ET POETIQUES
Un peu de poésie à partager … ça ne peut pas faire de mal (Annick) :
https://mail.google.com/mail/u/0?ui=2&ik=cb49ebf7bb&attid=0.1&permmsgid=msg-f:1685784433358002548&th=17651c02ae2fd974&view=att&disp=safe
Photographe merveilleux du merveilleux…..
Œuvre Théo jansén
Sublime moment de rêve… devenu réalité.
La vidéo ci dessous….
https://mail.google.com/mail/u/0?ui=2&ik=cb49ebf7bb&attid=0.1&permmsgid=msg-f:1683608495780837810&th=175d6101bbd8b9b2&view=att&disp=safe
CHANGEONS DE VOIE, LES LECONS DU CORONAVIRUS, d’Edgar Morin avec Sabah Abouessalam, Denoël, paru le 17 juin 2020
« Il est temps de « Changer de Voie » pour une protection de la planète et une humanisation de la société. »
Edgar Morin débute sa réflexion sur le modèle de Gabriel García Márquez*, par un préambule intitulé : Cent ans de vicissitudes, marquant par-là son ancrage dans le temps – Morin aura cent ans en 2021– et dans la pensée complexe. Né mort en 1921 au décours de la grippe espagnole, Edgar Morin traverse le 20e siècle pour, aujourd’hui, prêter le recul de son regard sur le 21e : « Je suis une victime (indirecte) de l’épidémie de grippe espagnole (…) Quatre-vingt-dix-neuf ans plus tard, c’est le coronavirus, descendant indirect de la grippe espagnole (H1N1), qui vient me proposer le rendez-vous raté à ma naissance. »
Interrogation
Ce rendez-vous s’intitule Changeons de voie, les leçons du coronavirus**. Comment un minuscule virus dans une très lointaine ville de Chine a-t-il déclenché le bouleversement du monde ? Edgar Morin s’interroge surtout sur la capacité des humains à réagir : « L’électrochoc sera-t-il suffisant pour faire enfin prendre conscience à tous les humains d’une communauté de destin ? Pour ralentir notre course effrénée au développement technique et économique ? »
Nous sommes aujourd’hui confrontés à de nouvelles perspectives : de grandes incertitudes et un avenir imprévisible. Ce à quoi l’humanité actuelle – qui vit à flux tendu – ne s’est pas préparée : « Il est temps de Changer de Voie pour une protection de la planète et une humanisation de la société. »
15 leçons
Morin tire des leçons de la crise que nous venons de vivre et de l’inimaginable – et inédit – confinement de plus de la moitié de l’humanité pendant trois mois : leçon sur nos existences ; sur la condition humaine ; sur l’incertitude de nos vies ; sur notre rapport à la mort ; notre civilisation ; le réveil des solidarités ; l’inégalité sociale dans le confinement ; la diversité des situations et de la gestion de l’épidémie dans le monde ; la nature de la crise ; la science et la médecine ; l’intelligence ; les carences de pensée et d’action politique ; les délocalisations et la dépendance nationale ; la crise de l’Europe ; la crise de la planète.
« Incertitude » est certainement le mot-clé de toutes ces interrogations car avec ce virus nous ne savons rien de lui comme nous. Comment vivre avec une prévision à 15 jours ? (c’est le juste leitmotiv des épidémiologistes, totalement antinomique de l’injonction « flux tendu » du consumérisme) Comment – avec cette prévision limitée – penser la vie, l’histoire personnelle, la politique, l’économie, le social, le planétaire ? Cette remise en question est aujourd’hui indispensable pour permettre le « virage de bord » dont l’humanité a urgemment besoin : « Car toute vie est une aventure incertaine : nous ne savons pas à l’avance ce que seront notre vie professionnelle, notre santé, nos amours, ni quand adviendra, bien qu’elle soit certaine, notre mort. »
Cette brutale pandémie a soudain modifié notre rapport à la mort : « La modernité laïque avait refoulé à l’extrême le spectre de la mort, que seule la foi des chrétiens en la résurrection exorcisait (…) soudain le coronavirus a suscité l’irruption de la mort personnelle, jusqu’alors reportée au futur, dans l’immédiat de la vie quotidienne. » Morin reprend cette réalité, si bien soulignée par Philippe Ariès, de la disparition de la mort dans l’espace urbain contemporain. Or, « tous les jours nous avons compté les morts, ce qui a entretenu, voire accru, la crainte de son immédiateté… » avec cette terrible réalité sanitaire qui a empêché les rituels nécessaires à l’inscription sociale de la disparition. « Le défaut de cérémonie consolatrice a fait ressentir, y compris au laïc que je suis, le besoin de rituels qui font intensément revivre en nos esprits la personne morte et atténuent la douleur dans une sorte d’eucharistie. »
Vertus
Cette épreuve inouïe a cependant des vertus : elle a réveillé la mémoire (oubliées les grandes épidémies du Moyen Âge, les crises économiques ; en être tout-puissant, l’« homme » pensait avoir dominé la nature) Elle a réveillé les solidarités ( devant l’épreuve générale, de partout les solidarités endormies ont combattu l’individualisme égoïste), éclairé sur la diversité des situations humaines et des inégalités, sur les in-certitudes scientifiques. Il nous faut aujourd’hui relever les défis qui se posent à l’humain : défi d’une mondialisation en crise, défi existentiel, politique, numérique, écologique, économique. Le danger, si on ne relève pas ces défis, est celui d’une grande régression intellectuelle, morale et démocratique.
Changer de Voie
Morin propose une voie et non une révolution (« les révolutions ont souvent produit une oppression contraire à leur mission d’émancipation ») une Voie politique–écologique–économique–sociale, qu’il a déjà détaillée en 2011 dans son livre La Voie***. Cette nouvelle voie nécessite une gouvernance de concertation (État, collectivité, citoyen), une démocratie participative, un éveil citoyen mais aussi, et de façon préalable, « une politique qui conjugue mondialisation et démondialisation, croissance et décroissance, développement et enveloppement. » Ces apparentes antinomies doivent pouvoir être des voies d’ouverture. Morin aime confronter des couples d’idées trop facilement opposées et qui trouvent leur aboutissement dans la complémentarité. On le voit dans la nature, c’est dans l’entraide et la coopération que les espèces cohabitent, que les biotopes s’épanouissent, que l’équilibre se constitue.
C’est un propos d’espérance que nous offre Edgar Morin avec sa très fine analyse de nos « faillances » et défaillances. On parlait autrefois de « faillance de cœur » quand le courage faisait défaut. C’est du courage aujourd’hui qu’il faut à l’humain pour s’engager dans cette nouvelle Voie.
Edgar Morin est aujourd’hui l’un des rares penseurs français ayant ce grand recul, dans le temps évidemment (lire ses incontournables mémoires : Les Souvenirs viennent à ma rencontre****), et surtout dans la réflexion à travers les outils qu’il a façonnés, notamment sa Méthode*****, pour nous permettre une réflexion juste sur l’objet complexe que représente l’humain dans son évolution sur-naturelle.