Tract Gallimard Grand Format d’Alice KAPLAN

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Les élections présidentielles américaines cheminent. Avons-nous craint que les grands électeurs réunis mi-décembre ne confirment pas le vote populaire qui mettra un point d’arrêt début janvier à la présidence Trump ? Les médias ont entretenu le suspens. Mais fallait-il croire à un tel risque en provenance d’un grand pays démocratique ?
Alice Kaplan est professeure de littérature française à l’université Yale aux Etats -Unis. Dans ce tract elle nous livre l’ensemble de ses doutes et de ses questions sur l’issue de ces élections, ce texte est écrit peu de temps avant la date du vote populaire. Il porte sur les quatre années du mandat présidentiel américain encore actif, du 10 septembre 2016 au 1er septembre 2020. Ce  journal de bord  – j’imagine que le tract publié par Gallimard est un choix d’extraits du journal – pointe faits, témoignages, questions, pensées, au fil du temps politique qui avance de tweet en tweet présidentiel, de décisions politiques en transformations institutionnelles du pays.
C’est un texte dynamique et précis que nous livre ici Alice Kaplan. Nous apprenons beaucoup sur ce grand pays et cette forme de démocratie où le poids des grands électeurs pèse plus que celui du vote populaire; leur méthode de désignation remonte au 18ème siècle formalisant alors une règle dite de rééquilibrage entre territoires urbains naissants et vastes contrées rurales isolées. Une organisation électorale démocratique vieille de deux cent ans qui détermine encore et essentiellement la forme suprême du pouvoir américain. Ce rapport au temps institutionnel nous paraît étrange, nous qui avons connu cinq constitutions, en rêvons (éventuellement) d’une sixième… Que comprendre ?
Et soudain Proust surgit au détour d’une page. Il s’agit d’un moment d’études universitaires sur le phrasé proustien qu’elle revendique comme résistance au langage politique, « si abîmé » écrit-elle. A découvrir !  Cela nous concerne, cela nous parle, car si nous avons souvent et beaucoup ri du langage médiatique de Trump, nous pourrions tout aussi bien nous interroger sur celui de nos édiles nationales.
L’auteure exprime aussi et surtout son inquiétude profonde parce que révélée par surprise, comme un filtre brutal posé sur la société américaine . Comment en si peu de temps les procédures collectives du vivre ensemble auront pu être défaites si profondément ? Le COVID made in USA a sa place dans le texte d’Alice KAPLAN. Son regard change sur ses proches, ses voisins. Se protègent-ils ? Dans ce pays où l’hyper individualisme  est une valeur première, comment construire une vraie responsabilité collective ?
La démocratie se mérite nous dit-elle. L’Amérique n’est pas un pays prédestiné démocratique. Celle-ci se gagne difficilement mais se perd si vite. Et il est terriblement difficile de résister. Ce tract d’Alice Kaplan est source de réflexions. Il éclaire sans fermer les questions tout en poursuivant une ligne littéraire et même poétique. C’est un texte accessible tout en restant complexe sur le sujet. Rien n’est simplifié.
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